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Avec Hertz et Volta contre Herr Diesel

Pour les plus avertis, il fallait des précisions techniques sur l’utilisation de la traction électrique. Pour le moment, dans l’urgence, on va encore utiliser provisoirement la traction thermique pour sauver la ligne, cependant, ayant l’énergie hydroélectrique sur place, tout au long du parcours, il est légitime de se demander pourquoi les cheminots redemandent eux-mêmes l’électricité. Cet article devait passer dans la Lettre d’automne, la place a manqué, il est maintenant ici. Toutefois nous rappelons notre notre prise de position vis-à-vis de la désélectrification.

Sur l’électrification…

Lorsque les chemins de fer commencèrent à être électrifiés, le seul moteur utilisable à l’époque pour la traction ferroviaire était le « moteur à courant continu à excitation série ». Bien qu’étant à courant continu, ce moteur voit le sens de son effort inchangé si l’on change le sens du courant qui l’alimente (il faut inverser la connexion de l’inducteur seul pour changer le sens de marche) ; il peut donc être alimenté en courant alternatif, mais à faible fréquence, bien en dessous de 50 Hz. À cette époque, ces moteurs ne pouvaient pas encaisser une tension supérieure à 1 500 V. Mais pour transporter du courant, sa tension doit être la plus élevée possible. Et à cette époque, on ne savait pas transformer le courant alternatif en courant continu sans utiliser des systèmes trop lourds pour être embarqués dans une locomotive. C’est pourquoi il n’y avait que deux options : alimenter la locomotive directement en courant continu 1 500 V, ou bien en courant alternatif à très haute tension, abaissée à 1 000 V environ par un transformateur à bord de la locomotive, puis utilisé dans les moteurs, donc à basse fréquence pour que ceux-ci fonctionnent bien.

C’est ainsi que les compagnies françaises choisirent le 1 500 V continu, avec des locomotives « légères » et une caténaire de forte section et que la Suisse et l’Allemagne optèrent pour du courant alternatif au tiers de la fréquence normale, soit 16 Hz 2/3 en 15 kV et donc une caténaire de faible section et des locomotives « lourdes » embarquant un transfor­mateur 15 kV / 1 500 V.

Au début des années 60, on trouva le moyen de convertir le courant alternatif en courant continu avec des équipements non-tournants, légers et donc embarquables sur locomotive. Plus rien ne s’opposa alors à envoyer dans la caténaire du courant alternatif à 50 Hz, directement tiré du réseau de transport industriel de l’électricité, tant qu’à faire en 25 kV, et à le transformer à bord de la locomotive en courant continu à 1 000 et quelques volts. Ce système est tellement évident de nos jours qu’il est utilisé dans le monde entier pour toute nouvelle électrification. En France, le 1 500 V survit là où il se trouve pour des raisons historiques. Mais toute nouvelle ligne est désormais électrifiée en 25 kV, d’autant plus qu’avec les progrès de l’électronique de puissance, les engins moteurs sont très facilement bicourant (1 500 V / 25 kV).

En 1 500 V, la caténaire doit être alimentée par une sous-station tous les 8 à 14 km. En 25 kV simple, tous les 30 à 60 km. Et en 2 x 25 kV, tous les 40 à 90 km. Moins de sous-stations, avec des fils (caténaire) plus fins ! Voilà pourquoi le Canfranc nouveau sera réélectrifié en 25 kV-50 Hz, jusqu’à Saragosse, et depuis la sortie de Pau. Car pourquoi remplacer la caténaire actuelle 1 500 V de Pau--Oloron par la même ? Pour payer cher une remise en état alors qu’on pourra faire bien mieux pour moins cher ? Pour la re-démonter en 2012 ?

Patrick Marconi
chargé des questions techniques

Voici l'aspect de la caténaire en deux endroits de la ligne Pau--Oloron
lorsqu'elle était encore électrifiée.

CRELOC, octobre 2008, opérateur site Chr. Lamaison