Extrait de :
Une historienne
raconte
le Transpyrénéen Pau-Canfranc
Par Sébastien Lamarque
Publié le 29/10/2012 à 06:00 h
Mise à jour : 29/10/2012 à 10:56 h
Régine Pehau-Gerbet devant la voie ferrée qui passe en grande partie sous Oloron-Sainte-Marie
[photo Sébastien Lamarque].
Régine Péhau-Gerbet a toujours évité le train-train. Cette professeur d’histoire géographie en
retraite anticipée (elle confie avoir du mal, à cinquante-cinq ans, à employer
le mot retraite) s’est penchée dès son arrivée en vallée d’Aspe sur l’histoire
de la construction du Transpyrénéen,
cette fameuse ligne ferroviaire entre Pau et Canfranc qui convoque, cent
cinquante ans après sa naissance, la mémoire de Louis Barthou.
Auteur d’un mémoire de maîtrise sur le sujet en 1984, elle a
remis le travail sur l’établi depuis un peu plus d’un an, complétant ses
sources, avec la volonté d’éditer un jour prochain un livre complet sur cette
épopée du chemin de fer en vallée d’Aspe.
« Comme je souhaitais mieux connaître la vallée et ses
habitants, je me suis naturellement intéressée à la voie ferrée, explique
Régine Péhau-Gerbet. Et je me suis moins intéressée à l’aspect technique de la
construction qu’à l’aspect social et humain : les quelque 2 000
ouvriers qui ont été les véritables bâtisseurs de cette voie ferrée, et qui
étaient, à 80 % d’origine espagnole. »
Des témoignages d’ouvriers
Installée en 1978 en vallée d’Aspe, dans le sillage de son mari
muté au Parc national des Pyrénées, elle achève sa licence d’histoire à l’Université
de Pau et des Pays de l’Adour. « Deux enfants plus tard », elle se
lance dans son mémoire sur l’épopée du Transpyrénéen, Du viaduc d’Escot à la frontière espagnole.
L’Aragon désire cette ligne dès 1854. En France, Louis Barthou
en fait l’un de ses principaux arguments de campagne lors de sa première
élection comme député 1889. Le projet sera validé en 1907 et la ligne enfin
ouverte en 1928. « Le Transpyrénéen aura représenté un combat de 40 ans
pour Louis Barthou », résume l’historienne.
Elle appuie ses recherches sur des sources « classiques » :
archives départementales, presse de l’époque, dont Le Glaneur, hebdomadaire oloronais tout dévoué à Louis Barthou.
Mais l’historienne va plus loin. « J’ai aussi réalisé une enquête orale
auprès des derniers témoins de cette construction, vingt-cinq personnes qui
avaient déjà à l’époque entre soixante-quinze et quatre-vingt-dix ans. Toutes
ont eu un lien direct ou indirect avec la construction de la voie ferrée.
Certaines ont même travaillé sur cette ligne. »
« Le théâtre de véritables exploits techniques »
Grâce à des collectionneurs particuliers, Régine Péhau-Gerbet
met à jour une iconographie riche, des photographies et cartes postales d’époque
qui laissent entrevoir les conditions difficiles de travail et d’hébergement
des ouvriers du rail. « Aux Forges d’Abel, les ouvriers étaient logés dans
des cabanes sordides composées de simples planches, même en plein hiver. »
Un aspect rarement abordé dans les recherches existantes sur la
ligne Pau-Canfranc. Régine Péhau-Gerbet cultive sa différence. Enseignante,
elle a ainsi essentiellement officié dans des lycées agricoles (à Oloron à l’époque
où l’établissement était encore abrité à la villa Bourdeu) ou professionnels
(Honoré-Baradat à Pau). Elle en vient à se spécialiser dans la prévention de l’illettrisme,
l’aide aux élèves en difficulté ou non francophones.
Régine Péhau-Gerbet est aujourd’hui aussi une militante de la
réouverture de la ligne « ne serait-ce que pour en préserver la mémoire
ouvrière et le patrimoine architectural exceptionnel », plaide-t-elle. Le Transpyrénéen a été « le théâtre de
véritables exploits techniques », ouvrages d’art en taille de pierre ou
creusés à la dynamite. À l’instar de ses ouvriers, la voie ferrée veut sortir
de l’oubli.
De Louis Barthou à… Alain Rousset
Louis Barthou (1862-1934), homme politique oloronais de premier
plan, fit du Transpyrénéen « un
combat de quarante années » avant de le voir aboutir. « Sa position
de ministre des Travaux publics lui a permis d’aplanir un certain nombre de
difficultés. » Est-ce à dire que le président de la région Aquitaine,
Alain Rousset, actuel fervent défenseur de la réouverture de la ligne (il en
fait lui aussi un argument de campagne) devrait être ministre pour faire
accélérer le projet ? « Il devra s’inspirer de la détermination et de
l’insistance de ses prédécesseurs, analyse l’historienne. Je crois qu’il a de
la persévérance. Il va en falloir beaucoup ! »
Rappelons le 20 octobre à Oloron, à 9:45 h :
salle Jéliote, Régine Péhau-Gerbet présentait une conférence
« Louis Barthou et le Canfranc »
⇒ PROGRAMME POUR MÉMOIRE (PDF assez lourd, 1,5 Mo)
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